On n’est jamais mieux servi que par soi-même. L’APIE (Agence du patrimoine immatériel de l’Etat) estime qu’elle n’a pas assez de pouvoirs. En effet, le décret de 2007 qui l’a instituée limite son activité au conseil des administrations. En clair, ce petit service de Bercy leur explique comment déposer un nom de domaine, vendre leurs données, accueillir le tournage d’un film...
Mais l’APIE veut avoir plus de pouvoirs, et a rédigé un projet de décret en ce sens.
Ce projet étend très largement l’activité de l’APIE. Par exemple, l’agence serait dorénavant chargée "de réaliser un inventaire stratégique des actifs immatériels des services de l’Etat".
Concernant les noms de domaine des services de l’Etat sur le web (par exemple www.elysee.fr), l’APIE serait désormais chargée de tous les contentieux, et émettrait un avis avant toute réservation d’un domaine.
Surtout, ce texte obligerait toutes les administrations à confier à l’APIE la gestion de leurs marques : enregistrement, modification, renouvellement, contentieux...
Il y a quelques semaines, l’agence du patrimoine a envoyé ces revendications aux ministres locataires de Bercy en leur demandant de signer le décret qu’elle a rédigé. L’affaire semble en bonne voie : "le décret devrait être publié dans quelques semaines après des modifications", indique une source.
Reste à comprendre pourquoi l’APIE veut étendre son pouvoir. Probablement est-ce une tendance naturelle pour toute administration... Mais sans doute l’agence cherche aussi une raison d’être, après avoir été privée d’une de ses principales activités.
En effet, lors de sa création en 2007, un des principaux axes de l’APIE était d’aider les administrations à vendre les données qu’elles produisent. "La politique promue par l’APIE permet de reconnaître la valeur ajoutée par l’administration aux données publiques pour favoriser l’exploitation des données dans un cadre commercial", explique par exemple lerapport d’activité 2009, qui préconise "une tarification en fonction de la valeur économique".
En pratique, l’APIE a aidé les administrations à établir des grilles de tarifs, appelées "redevances". Ainsi, en 2010, l’agence a conseillé la direction générale des finances publiques (DGFIP) de Bercy dans l’élaboration des tarifs de revente des données tirées des comptes des collectivités territoriales, des hopitaux, etc.
Combien rapportent les données publiques ?
Un bras de fer a notamment eu lieu sur l’argent qu’on pouvait retirer de la revente de ces données publiques. Partisan de la revente, l’APIE assurait que cela rapportait 100,2 millions d’euros par an. Moins maximaliste, la direction du budget de Bercy aboutit à un chiffre moitié moins élevé. Mais le récent rapport Trojette rhabille l’APIE pour l’hiver : selon lui, c’est seulement 35 millions d’euros en 2012...
Las ! En 2011, le gouvernement Fillon change de braquet, et adopte une politique en faveur de la gratuité des données publiques : c’est le fameux open data, qui considère qu’une gratuité est la plus bénéfique pour toute l’économie.
Le récent rapport Trojette commandé par Matignon résume ainsi cette évolution : les données étaient vues comme un "patrimoine à valoriser" jusqu’en 2011, date à laquelle "le principe de gratuité a été réaffirmé".
Ce rapport explique que la stratégie de revente prônée jusqu’en 2011 a laissé des traces : "cette orientation a eu, entre autres conséquences, la consolidation d’un sentiment de patrimonialité de chaque service administratif sur ’ses’ données et ’sa’ redevance. Plusieurs services indiquent [encore aujourd’hui] qu’ils s’inscrivent dans une démarche de valorisation du patrimoine immatériel de l’État, et précisent qu’ils ont parfois été accompagnés par l’APIE pour définir le modèle économique de la redevance".
Interrogé, le cabinet de Michel Sapin s’est refusé à tout commentaire, et l’APIE n’a pas répondu.
Source : BFM
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