Le streaming est une méthode de plus en plus populaire sur le Réseau et de nombreux sites en ont fait leur spécialité...
Cette méthode de mise en ligne de fichiers audio et vidéo frôle pourtant souvent les limites de la légalité pour ce qui est des droits d’auteur et de diffusion.
Maître Cahen, spécialiste en Droit des Technologies de l’Information, de la Communication et du Droit de l’Informatique, fait la lumière sur ce qui se pratique en matière de droit à ce sujet.
Hélène de Brettes pour Domaine.info
Le streaming, technique qui permet de visionner une œuvre en continu directement sur un site internet est au cœur de l’évolution actuelle des sites internet. C’est la technique utilisée pour diffuser la VOD, on la trouve également sur des sites tels que Dailymotion ou Myspace. Le streaming se présente à bien des égards comme une alternative au téléchargement puisqu’il permet de visionner et de partager des contenus sans aucun téléchargement sur l’ordinateur de l’utilisateur.
La technique pose un problème important au regard du respect du droit d’auteur. En effet, si le caractère illégal des plateformes d’échange peer to peer d’os protégées est communément reconnu, qu’en est-il des de celles qui permettent aux utilisateurs de se servir de la technique du streaming pour diffuser du contenu ? Malheureusement, ce système révolutionnaire ne se cantonne pas uniquement à l’échange de vidéos d’amateurs. Quelle est alors la responsabilité des plateformes lorsque le contenu accessible par leur biais est en réalité un contenu protégé ?
La question qui se pose ici concerne notamment les qualités d’éditeur de contenu ou d’hébergeur dont les régimes de responsabilités sont différents. Selon la LCEN (loi pour la confiance dans l’économie numérique) du 21 juin 2004. L’éditeur est personnellement responsable du contenu, soit parce qu’il en est l’auteur soit parce qu’il en a permis la diffusion. L’hébergeur au contraire n’est responsable qu’une fois que le caractère illicite d’un contenu hébergé par lui, lui a été signalé. Autrement dit, si la plateforme est qualifiée d’éditeur de contenu, la seule présence d’un contenu illicite est de nature à mettre en jeu la responsabilité de l’éditeur. En revanche, si la plateforme est qualifiée d’hébergeur, sa responsabilité ne pourra être retenue qu’à partir du moment où la présence de contenu illicite aura été signalée à l’hébergeur. La jurisprudence s’est exprimée à ce sujet par deux fois durant l’été 2007.
La première affaire est dite « affaire Myspace », il s’agit à l’origine d’une plainte déposée par le célèbre humoriste Lafesse dont certains sketchs étaient diffusés en streaming sur Myspace. Le juge des référés ayant rendu une ordonnance le 22 juillet 2007 a retenu la responsabilité de Myspace au titre d’éditeur de contenu. Pour cela, il se fonde sur le fait que même si Myspace n’est pas l’auteur en tant que tel du contenu, il s’enrichit grâce aux publicités qui figurent sur chaque de son site, ce qui exclu la simple fonction d’hébergeur. Ainsi, le juge a retenu que « s’il est incontestable que la société défenderesse exerce les fonctions techniques d’hébergement, elle ne se limite pas à cette fonction technique ; qu’en effet, imposant une structure de présentation par cadres qu’elle met manifestement à la disposition des hébergés et diffusant à l’occasion de chaque consultation, des publicités dont elle tire manifestement profit, elle a le statut d’éditeur et doit en assumer les responsabilités ». La plateforme a donc été condamnée à plus de 50 000€ de dommages et intérêts, à la fois pour le préjudice moral, le préjudice matériel et le dommage découlant de l’atteinte aux droits de la personnalité. Il s’agit là d’un jugement qui fait preuve de beaucoup de sévérité car il retient la responsabilité de plein droit de la plateforme du seul fait qu’elle génère des revenus de la publicité présente sur son site, ce qui pourtant ne change pas son rapport aux œuvre présentes.
Dans la seconde affaire de cet été, « l’affaire Dailymotion », le TGI de Paris prend une décision contraire et rejette la qualification d’éditeur de la plateforme sur le seul critère de la publicité. Si le TGI retient également le critère de la publicité c’est au contraire pour justifier l’application du régime d’hébergeur. Dans l’affaire jugée le 13 juillet 2007 par le TGI de Paris, la plateforme Dailymotion était poursuivie par les producteurs du film « Joyeux Noël », accessible en streaming sur ladite plateforme. Pour sa défense, la plateforme invoquait le fait qu’elle avait retiré le film litigieux de sa plateforme dès que sa présence lui a été notifiée et qu’elle a donc respecté les dispositions de la LCEN. De façon assez étonnante, le TGI de Paris considère que les dispositions de la LCEN ne prévoient pas une exonération de responsabilité au profit de l’hébergeur mais une simple limitation de responsabilité. Celle-ci aurait vocation à s’appliquer lorsque les hébergeurs n’ont vraiment pas connaissance du caractère illicite du contenu de leur plateforme. Ainsi il y aurait deux sortes d’hébergeurs, ceux qui sont conscients de la probabilité que du contenu illicite soit hébergé de leur fait, ceux la ne bénéficieraient pas de la limitation de responsabilité, et ceux qui ne peuvent pas se douter qu’un tel contenu soit présent sur leur plateforme et qui pourraient bénéficier de la limitation. En l’espèce, le juge a considéré que Dailymotion ne pouvait pas ignorer que sa plateforme était principalement utilisée pour diffuser du contenu protégé par des droits d’auteur, dans la mesure où son succès reposait principalement sur la diffusion d’œuvres connues du public qui permettait l’accroissement de l’audience et donc l’accroissement des recettes publicitaires. La société ne peut donc, selon le juge, rejeter la responsabilité de la faute sur ses utilisateurs dans la mesure où c’est elle qui fournit les moyens pour la commettre. Le tribunal d’en conclure que « lorsque lesdites activités sont générées ou induites par le prestataire lui-même », la limitation de responsabilité introduite par la LCEN ne trouve pas à s’appliquer.
Ces deux décisions, qui ont principalement pour but de trouver un responsable solvable de l’atteinte au droit d’auteur semblent toutefois remettre en cause l’esprit même de la LCEN. En effet, si la pratique du streaming d’œuvres protégées se trouve justement sanctionnée, les véritables auteurs qui mettent en ligne le contenu ne sont recherché ni dans un cas ni dans l’autre. La limite entre éditeur et hébergeur n’est plus claire. Si les véritables hébergeurs en pâtissent puisque pèse sur eux une véritable obligation de surveillance, les grands gagnants de ces décisions, les véritables auteurs du contenu illicite sont pourtant ceux qui semblent être les plus fautifs...
Maître Murielle-Isabelle Cahen AVOCAT ONLINE