Le Brésil reçoit, pendant deux jours, les représentants de plus de 90 pays pour la conférence NETmundial, une réunion inédite qui a pour but de discuter de l’avenir de la gouvernance d’Internet. Le débat n’est pas nouveau, mais a été relancé par le scandale d’espionnage de la NSA, l’agence de sécurité américaine, révélé par Edward Snowden.
L’histoire de la conférence NETmundial qui se tient à São Paulo ces mercredi 23 et jeudi 24 avril, se mélange à l’affaire Edward Snowden. Car si le thème de la gouvernance d’Internet existe depuis toujours, la découverte du système d’espionnage électronique mis en place par les Etats-Unis a suscité la réouverture de ce débat sur la « désaméricanisation » d’Internet.
Un Web trop américanisé
Pour comprendre l’origine du débat, il faut savoir que c’est une société civile nommée ICANN, basée en Californie et soumise à sa législation, qui est chargée, entre autres, de la distribution des adresses et des noms de domaines sur le Web.
Or, ce rôle attribué à l’ICANN a toujours été dérangeant pour le reste du monde, explique Virgílio Fernandes Almeida, secrétaire brésilien chargé du numérique au ministère de la Science, de la Technologie et de l’Innovation. « Tous les pays ne se sentent pas confortables avec cette situation : une entité civile, située aux Etats-Unis, qui prend des décisions qui ont une conséquence globale », a-t-il déclaré.
Démocratiser la gestion de la Toile
L’idée d’une discussion globale sur la gouvernance du Web a commencé avec le discours de la présidente Dilma Rousseff, elle-même victime personnelle de la surveillance massive pratiquée par les Etats-Unis, à l’ONU, en septembre 2013. En réponse à ces pratiques, déplorées par plusieurs dirigeants, la chef d’Etat brésilienne n’a pas hésité à critiquer vivement la NSA et à accuser le gouvernement américain d’atteinte à la souveraineté nationale. Soutenue par l’Allemagne et d’autres pays, lors de son discours, elle a aussi proposé un nouveau modèle pour les organismes assurant le fonctionnement du Web mondial.
Quelques mois plus tard, Dilma Rousseff a reçu la visite de Fadhi Chehadé, président de l’ICANN. Lors de cette visite, celui-ci l’a informée de l’intention de l’organisme de transférer le contrôle du Web, au plus tard en 2015, à une « entité globale ». C’est alors que le projet d’une conférence globale prend forme et se fixe pour but principal, la démocratisation de la gestion de la Toile.
Vie privée et protection des données
La conférence, qui débute ce mercredi, discutera de cinq principes essentiels pour le Web : la liberté de l’expression, la vie privée et les droits de l’Homme, la gouvernance multilatérale et ouverte, la diversité et la neutralité du Web. Ces différents thèmes intègrent les 188 propositions envoyées aux organisateurs de la réunion et présentées par des entreprises, ONG, et représentants gouvernementaux venus des quatre coins du monde.
Effet Snowden oblige, « la plupart des propositions sont liées à la liberté d’expression, au droit à la vie privée », explique le secrétaire brésilien Virgílio Fernandes Almeida. La cyber-sécurité est aussi une préoccupation courante et a été citée à plusieurs reprises dans les documents reçus, souligne-t-il.
Une législation spécifique au Web ?
Ouverte à tous les internautes, la réunion devra aussi se pencher sur la création d’une législation spécifique pour le Web, qui pourrait s’inspirer du Marco Civil, une loi adoptée mardi 22 avril par le Congrès brésilien qui réglemente le fonctionnement d’Internet dans le pays. Elle gère, par exemple, l’accès aux données personnelles et la responsabilité pénale des hébergeurs.
Paulo Rena Santarém, qui a participé à l’élaboration du texte de loi, rappelle que le Brésil est pionnier dans la création d’une législation spécifique pour le Web, mais souligne également qu’il aura fallu des années pour qu’elle aboutisse à un modèle cohérent. « Si les pays décident de suivre ce modèle dans l’idée de créer un document global, il va falloir des années pour le mettre en place », prévient-il.
Une déclaration commune devra être présentée à la fin de la conférence NETmundial, ce jeudi. Le document sera probablement accepté par tous les participants, mais ne sera que le début d’un débat qui gagne en importance et en ampleur. « Même si c’est une longue demarche, cela montre une volonté collective de démocratiser l’Internet », conclut Paulo Rena Santarém.
Source: rfi.fr
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